Claire PRUGNIER
Avocat au barreau de Paris

Le contrat d’enregistrement conclu entre un producteur phonographique et un artiste-interprète : rappel des dispositions légales introduites par la Loi « Création » du 7 Juillet 2016


La Loi du 7 juillet 2016 dite « Loi Création » a introduit dans le Code de la Propriété Intellectuelle de nouvelles dispositions applicables aux contrats conclus entre un producteur de phonogramme et un artiste-interprète.

 

Les contrats conclus à compter du 1er novembre 2016 doivent désormais prévoir une clause de cession de droits voisins expresse et encadrée (I). Outre l’exigence d’un certain formalisme, la Loi Création apporte également des précisions concernant la rémunération de l’artiste-interprète (II).

 

  • Une cession des droits voisins expresse et encadrée

 

La Loi Création a souhaité étendre aux artistes-interprètes la protection conférée depuis longtemps aux auteurs, tenant à l’exigence d’un certain formalisme dans la rédaction des contrats de cession de droits.

 

Le Code de la Propriété Intellectuelle rappelle désormais que la conclusion d’un contrat de travail entre un producteur phonographique et un artiste-interprète n’emporte pas cession automatique des droits voisins de ce dernier au profit du producteur (L 212-10).

 

Le producteur phonographique qui souhaite exploiter l’interprétation d’un artiste-interprète doit désormais s’assurer qu’une clause de cession de droits expresse et détaillée est prévue au contrat.

 

Cette pratique n’est pas nouvelle puisqu’il était d’usage d’insérer de telles clauses dans les contrats conclus entre producteurs phonographiques et artistes-interprètes.  La Loi Création vient apporter une reconnaissance légale à cet usage en prévoyant que : « La cession des droits de l'artiste-interprète mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans le contrat conclu avec le producteur de phonogrammes et que le domaine d'exploitation de ces droits soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

 

En pratique, il convient d’énumérer les droits patrimoniaux de l’artiste-interprète au sein de la clause de cession de droits, c’est-à-dire plus précisément le droit de fixation, de reproduction et de communication au public de son interprétation.

 

L’article L 212 -11 précise également que doivent faire l’objet d’une mention expresse au contrat, les modes d’exploitations « futurs » (« sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature ») cédés par l’artiste-interprète en contrepartie d’une participation corrélative aux recettes, en cas de paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.

 

Au-delà de la cession expresse et détaillée des droits patrimoniaux de l’artiste-interprète, le Code de la propriété intellectuelle impose également que les « droits autres que ceux mentionnés au présent code » fassent l’objet d’une mention expresse et distincte dans le contrat (L 212-11). Il est ici fait référence aux droits de la personnalité de l’artiste-interprète (image, nom, voix...) qui sont très fréquemment insérés dans les contrats d’artiste pour permettre la promotion des enregistrements et la commercialisation des produits dits de « merchandising » (produits dérivés).

 

Le Code de la propriété intellectuelle entérine ici encore une pratique de cession des droits de la personnalité déjà très répandue dans les contrats d’artiste. En tout état de cause, il convient désormais de respecter précisément ces dispositions légales : cas de non-respect de ce formalisme, on peut légitiment penser que l’artiste-interprète puisse agir en justice pour faire reconnaitre la nullité de la cession des droits.

 

 

  • Précisions sur la rémunération de l’artiste-interprète :

 

 Le Code de la Propriété Intellectuelle opère désormais une distinction selon la nature de la rémunération versée par le producteur phonographique à l’artiste-interprète.

 

L’artiste-interprète a ainsi vocation à percevoir :

 

  • Un salaire venant rémunérer l’exécution de la prestation d’enregistrement (cf. minima fixé par la Convention collective nationale du 30 juin 2008 IDCC 2770) ;

 

  • Une rémunération minimale versée sous forme de salaire en contrepartie de la fixation de sa prestation ; `

 

Il s’agit d’une nouveauté issue de la Loi Création puisqu’il était d’usage de verser à l’artiste-interprète une rémunération globale en contrepartie de la cession de l’ensemble ses droits voisins. La Loi Création impose désormais une rémunération spécifique minimale pour la fixation mais à ce jour aucune précision n’a encore été apportée à la Convention collective de l’édition phonographique sur ce point.

 

  • Une rémunération (redevance) distincte pour chaque mode d’exploitation du phonogramme ;

 

Tout forfait global est donc prohibé. L’article L 212-13 vient préciser que la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et sa mise à disposition sous une forme électronique constituent des modes d’exploitation distincts. La rémunération de l’artiste-interprète pour les exploitations accessibles en streaming et par téléchargement devra donc faire l’objet d’une rémunération distincte de celle prévue pour les exploitations sous forme de supports physiques.

 

Une garantie de rémunération minimale au titre du streaming est également prévue par la Loi Création au profit des artistes-interprètes. Les modalités de cette rémunération devront être établies par un accord collectif de travail mais à ce jour aucun consensus entre les syndicats d’artistes et de producteurs n’a été trouvé (l’accord qui avait été trouvé le 7 juillet 2017 a été dénoncé par les syndicats d’artistes signataires). A défaut d’accord, une commission devrait statuer sur la question.

 

L’article L 212-11 apporte également des précisions s’agissant de l’avance versée par un producteur à un artiste-interprète sur les rémunérations provenant d’exploitations à venir des enregistrements. Cette avance ne peut être compensée par les sommes versées à l’artiste-interprète au titre de la copie privée et de la rémunération équitable par l’organisme de gestion collective auquel il a adhéré. Cet article met un coup d’arrêt à la pratique consistant à prévoir au contrat une clause spécifiant que les sommes versées par les organismes de gestion collective à l’artiste-interprète viennent compenser l’avance consentie par le producteur. 


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