La rémunération des artistes-interprètes à l’heure du streaming


En France, un accord historique pour une rémunération plus équitable des artistes-interprètes sur les revenus du streaming a été signé le 12 mai 2022 entre les principaux acteurs de l’industrie musicale, syndicats et organisations et organismes de gestion collective représentants les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes.  

Cet accord, le premier du genre, est le fruit de longs mois de discussion et concrétise le principe de garantie de rémunération minimale des artistes-interprètes dans le cadre des diffusions dites « en flux » (« streaming ») qui avait été introduit par la loi du 7 juillet 2016.

Conformément aux dispositions de cet accord, applicable depuis le 1er juillet 2022, les artistes-interprètes peuvent désormais prétendre aux bénéfices suivants :

Pour les artistes interprètes principaux : des taux de redevances minimum et une avance minimale en cas de production d’album

Des taux de redevances minimum

Le taux de redevance minimum varie est fonction des modalités d’exploitation de l’enregistrement par le producteur :

  • Lorsque le producteur est son propre distributeur auprès des éditeurs de services de musique en ligne, le taux est fixé à 11% en période d’abattements et 10% en dehors des périodes d’abattements.
  • Lorsque le producteur exploite les enregistrements dans le cadre d’un contrat avec un distributeur tiers, le taux est fixé à 13% en période d’abattement et 11% en dehors des périodes d’abattements.
  • Lorsque le producteur exploite les enregistrements dans le cadre d’un contrat de licence exclusive, le taux est porté à 28%. Aucun abattement n’est autorisé.

L’assiette porte sur tous les revenus perçus des plateformes par les producteurs, y compris les reliquats d’avances non recoupées et minima garantis obtenus des éditeurs de services de musique en ligne par le producteur qui exploite en direct. Lorsque le producteur confie la distribution à un intermédiaire, l’assiette comprend toutes les sommes nettes encaissées par le producteur par son distributeur ou licencié au titre de l’exploitation en streaming.

Les abattements pratiqués en distribution doivent être conformes à certains principes et conditions prévus dans l’accord, lesquels visent à garantir une approche équitable de la fixation des abattements contractuels, en veillant à ce qu'ils soient raisonnables, justifiables et spécifiquement liés à l'exploitation numérique. On notera notamment la limitation des abattements à 50% du taux prévu au contrat, ainsi que la limitation des abattements publicitaires à 9 mois consécutifs sur un même album.

Un mécanisme de bonification des taux doit être prévu pour les artistes interprètes signataires d’un contrat d’enregistrement exclusif.

En cas de pluralité d’artistes-interprètes, le taux applicable est réparti entre les différents artistes interprètes, selon une clef de répartition à définir d’un commun accord et fixé au sein d’un contrat conclu avec le producteur. A défaut, les rémunérations sont réparties à parts égales entre les artistes.

Enfin, en cas de sample, la rémunération versée aux ayants droits de l’enregistrement samplé est déduite du taux de la garantie de rémunération minimale, dans la limite de 50% du montant total de cette rémunération.

Une avance minimale pour la production d’un album inédit 

Outre les taux de redevances garantis, l’accord prévoit le versement par le producteur d’une avance d’un montant minimum de 1000 € brut par album inédit. Cette avance, récupérable et compensable sur l’ensemble des sommes et redevances que le producteur sera amené à devoir à l’artiste-interprète (cachets exclus), n’est pas due aux artistes engagés pour une collaboration ponctuelle (« featuring »).

Lorsque le producteur est une très petite entreprise (moins de 10 salariés équivalents temps plein et moins de 2M € de chiffre d’affaires annuel) le montant de cette avance minimale sera réduite à 500 € brut par album inédit. Les organismes de gestion collective des producteurs (SCPP et SPPF) proposent chacun un dispositif d’aide financière tenant à la prise en charge d’au moins 50% de cette avance minimale, afin d’encourager les producteurs TPE à verser une avance d’un montant au moins équivalent au montant de principe de 1000 € brut.

Pour les artistes-interprètes secondaires rémunérés au cachet : une rémunération forfaitaire minimale « de base » et un forfait complémentaire en cas de succès commercial

Une rémunération forfaitaire minimale « de base » 

L’accord prévoit le versement d’une rémunération minimale correspond à 1,5 % du cachet de base défini à l'article III.2-1 de la Convention Collective Nationale de l’Edition Phonographique (CCNEP), par artiste-interprète et par minute de l'enregistrement auquel il participe.

Une rémunération forfaitaire complémentaire en cas de succès commercial 

Outre cette rémunération forfaitaire minimale de base, l’accord prévoit un intéressement en cas de succès de l’enregistrement au cours des 50 ans qui suivent sa première commercialisation au-delà de 7,5 millions d'écoutes certifiées en France. Le montant de revenus complémentaire sera de minimum 20% du cachet de base qu’ils ont perçus. Dans l’éventualité où les 15 millions d'écoutes sont dépassées, la rémunération sera portée à 25% du cachet de base ; 30% à 30 millions d’écoutes ; 35% à 50 millions d’écoutes et tous les 50 millions d’écoutes supplémentaires par la suite. Ces taux sont ajutés en proportion si le nombre de musiciens est supérieur à dix.

En principe, cette rémunération doit être versée aux artistes-interprètes concernés par les organismes de gestion collective des producteurs, agissant sur le fondement d’un mandat de gestion, par le biais des organismes de gestion collective des artistes-interprètes, sous réserve d'une provision suffisante de droits voisins en gestion collective sur le compte de l'ayant droit correspondant. A défaut, c’est au producteur d’assurer le paiement direct de cette rémunération à l’artiste-interprète concerné.

Ces dispositions sont applicables à toutes les exploitations, aussi bien en France qu’à l’étranger, dès lors que le producteur est une société de production phonographique dont l’activité entre dans le champ d’application de la Convention Collective Nationale de l’Edition Phonographique (IDCC n°2770).

Compte tenu d’un désaccord entre les organisations signataires, ces règles ne sont applicables qu’à l’exploitation de phonogrammes seuls, non incorporés dans un autre contenu protégé. Par conséquent, les exploitations vidéographiques ne sont, pour le moment, pas concernées par les règles prévues ci-avant.

Si les législateurs, français et européens, se sont emparés de la question de la valorisation de la rémunération des auteurs et artistes liées à l’exploitation de leurs œuvres et interprétations sur internet et tout particulièrement dans le cadre des exploitations en streaming, force est de constater que la mise en œuvre de règles protectrices des intérêts des auteurs et artistes est loin d’être évidente.

Il aura fallu près de 6 ans aux artistes interprètes d’œuvres musicales pour bénéficier d’une rémunération minimale garantie dans le cadre des seules exploitations phonographiques en streaming.

Aujourd’hui, ce sont les artistes-interprètes d’œuvres audiovisuelles (actrices, acteurs, artistes de la musique qui participent à la bande son, …) qui attendent avec impatience une application effective du droit à percevoir une rémunération proportionnelle au succès de l’œuvre à laquelle ils ont collaboré.

Ces enjeux sont internationaux et touchent l’ensemble des territoires, comme en atteste la récente grève des acteurs et actrices américains, qui avaient emboité le pas aux scénaristes, afin d’obtenir une rémunération plus juste et cohérente, corrélée à la popularité de l’œuvre diffusée.

Les évolutions des modes de consommation des contenus en ligne s’accompagnent d’une nécessaire mise à jour des modalités d’exploitation et de rémunération des auteurs et artistes. Il est toutefois important de ne pas perdre de vue l’équilibre nécessaire avec les intérêts des producteurs et des diffuseurs, dont le travail est essentiel à la diffusion œuvres, qu’elles soient musicales, audiovisuelles ou de toute autre nature.


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